Cet endroit suinte la déchéance. (Où suis-je ?) Il s'extirpe à peine des brumes (De la mort ?) du sommeil et déjà il sent toute la haine, la répugnance, la désolation ambiante qui l'oppressent, lui sautent à la gorge comme une odeur de putréfaction. Il se souvient qu'il n'a pas toujours vécu ici. Il se souvient d'un ailleurs. Vaguement. (Mais...mais...qui suis-je ?) Angoisse indescriptible. Il ne sait plus qui il est.

(qui suis-je ?)

Il tente d'éclaircir son esprit. Son dernier souvenir de l'ailleurs, c'est (La Douleur) lui, agenouillé à même le sol, pleurant littéralement toutes les larmes de son corps (Pourquoi ?).Les larmes se mêlent à la terre, une flaque de boue s'élargit sous lui. (Mais pourquoi je pleurais ?) Sa douleur morale a dépassé ce que l'humain peut supporter. Il n'en peut plus. Il lève son poing gauche, et frappe sa poitrine de toutes ses forces. Encore. Encore, et encore. Il frappe jusqu'à se briser les côtes. Il ne pleure plus : il est concentré, désormais, tout à ce qu'il fait. Il éventre sa cage thoracique à coups de poings.

(Pourquoi j'ai fait ça ?)

Il sent avec un délice malsain la douleur physique éclipser le mal qui ronge son âme. Le sang se mêle à la boue. Sa vue se trouble et il lui semble voir un visage dans la flaque de boue sanguinolente, comme un reflet dans l'eau. Comme un appel dans les ténèbres. Visage féminin, croit-il distinguer.

(Une fille....)

Il va en finir. Il plonge sa main dans l'amas de chair informe qui était - il y a peu - son torse. Enveloppe de ses doigts l'organe palpitant qui le tyrannise sans répit (J'ai fait ça à cause dune fille !). Il étreint son coeur, s'accorde une dernière pensée pour La Fille, puis arrache sans hésiter. Il s'extrait le coeur de la poitrine, le regarde tristement, et plonge dans le néant.

Du moins c'est ce qu'il croit. Il semble bien qu'il se soit trompé. Car il lui faut se rendre à l'évidence : il s'est réveillé. Il n'est plus dans le Monde. Il n'est pas dans le néant. Mais il n'est certainement pas au paradis.

Il se redresse péniblement. Les souvenirs affluent alors, son nom (je m'appelle...oui...), mais surtout La Fille, son visage enfantin, son corps délicieusement féminin (je l'aimais), son caractère de feu, sa détermination infaillible, ses adorables et terribles colères, son regard qui aurait fait baisser les yeux à un taureau (je l'aime)...mais comme quand on tente de se rappeler un rêve, les bribes de sa vie passée s'enfouissent dans les profondeurs de sa mémoire, hors des terres de la conscience. Tout sombre dans l'oubli, et bientôt il n'est plus que l'écoeuré.

(L'écoeuré...je suis l'écoeuré)

Il se lève, et se met en marche (Vers où ? Quelle importance). Sa bonne vieille compagne, la douleur rongeuse, la parasite de l'âme, est revenue. Il sait désormais que même la mort ne peut la faire cesser.

Mais il ne se souvient plus du visage de l'Aimée. Une immense lassitude l'envahit. Que lui importe ce nouveau monde ? (Antimonde). Il a perdu son coeur. Il a perdu ses souvenirs. Il l'a perdue, Elle. Quelle est donc cette force qui le fait encore marcher ?

(Il y avait un visage, de l'autre coté du miroir...)

Cher Ecoeuré,

Simplement magnifique. Tout à fait dans l'esprit que je souhaite : aux extrêmes. Triste Oiseau de Malheur, te voici donc joint à mes mondes écorchés. A ton retour, aura été publiée ta Première Scène. Pour toi, tout commencera alors.
Puisses-tu te plaire ici, macabre métaphoriste.

Avec toute ma folie, et tout mon amour.
Psychée.


Edit. Tu me diras si ça te convient, à l'occasion ; j'ai peut-être trouvé quelque chose d'intéressant. Tu vas revivre ton existence à l'envers, c'est-à-dire ta mort, la confrontation à ton aimée et au terme de tes mésaventures, ta naissance. Ta naissance signifiera que tu es "purgé" de ton mal d'amour, en quelque sorte.
On en reparlera. En attendant, ton entrée en scène se fait Ici...