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 L'éveil d'un génie incompris

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Evariste Galois

Evariste Galois

Messages : 1

L'éveil d'un génie incompris _
MessageSujet: L'éveil d'un génie incompris   L'éveil d'un génie incompris Icon_minitimeJeu 6 Aoû - 15:18

Aux heures les plus sombres de la nuit, au premier étage d’une modeste mansarde, un jeune homme écrivait à la lumière vacillante d’une lampe à huile. Ou plutôt griffonais, raturait, réécrivait par-dessus à la hâte, d’une écriture nerveuse, bien trop nerveuse pour attester d’un état normal. Dehors, mis à part une petite bise dont on entendait les sifflements par les interstices du mur, rien ne bougeait. La ville dormait paisiblement, et toutes les lumières éteintes la plongeaient dans un noir presque complet, si ce n’était la lumière née d’une nuit d’insomnie. L’homme, un mégot de cigarette plié et mal allumé dans la bouche, se tenait un coude sur la table, la main dans les cheveux, le visage ruisselant de sueur, l’œil vitreux. A plusieurs reprises, il jeta sa plume à terre, renversa le pot d’encre et froissa ses feuillets, mais après avoir rallumé son magot en tremblant avec la lampe à huile, il se remettait toujours à la tâche.

Pourquoi ? Pourquoi mourir pour une femme ? Pourquoi ainsi, si jeune, et encore incompris ? Il voulait pouvoir réfléchir, pouvoir partir en paix, pouvoir méditer plus longuement sur sa décision, mais il n’avait pas le temps. Il devait laisser une trace de ses travaux au monde avant de partir pour l’éternité, avant d’avoir à faire Le choix, celui qui lui avait été proposé pour échapper à une mort indigne et à une vie misérable, d’où tout le monde l’avait rejeté et où tout était pourri jusqu’à la moelle.

Il avait beau connaître ses théories sur le bout des doigts, leur rédaction était longue et pénible. Il avait énormément de mal à se concentrer, repensant successivement à elle, à l’aube approchante, à sa vie, ses échecs, les crasses de ses confrères, mais surtout, surtout, à la seule chose qui l’avait découvert avant qu’il ne la découvre lui, celle qui allait le sauver tout en le menant sur le chemin de la damnation éternelle. C’est l’approche de la mort qui semblait imminente qui lui avait ouvert les yeux, il y a maintenant quelques heures, et qui lui avait ôté la tentation de fuir son destin. Il s’était vu proposé le seul vrai choix qu’il n’avait jamais eu, et le seul qui lui permettrait d’arrêter ce cercle infernal de désillusions. La mort lui semblait maintenant l’unique solution, plus un nouveau commencement qu’une fin.

Malgré tout, son instinct de survie lui faisait douter de sa décision, et c’est aux proies avec ces déchirantes contradictions qu’il continuait d’écrire, sans relâche, sur ces maigres feuilles de brouillons qui seront son seul testament à ce monde pourri. Le découragement l’assaillait régulièrement. A quoi bon ? Qui les retrouverait ? Et qui les lirait, lui qui avait été tellement malmené à chaque fois qu’il avait voulu l’avis de ses pairs ? Malgré le génie de ses idées et de ses concepts, il n’avait jamais été reconnu à sa juste valeur, et ne le sera jamais à présent. De son vivant du moins. C’est l’espoir sans espoir d’une reconnaissance posthume qui conservait sa motivation, fébrile et malade en ces heures les plus sombres de la nuit.

Pourquoi mourir pour une femme ? Tout le déroulement de sa vie lui paraissait absurde à présent : ce pourquoi il avait lutté, les chemins qu’il avait empruntés, les idées qu’il avait fait germer et tenté de donner au monde, et finalement cette fin insensée pour une amourette de pacotille, à laquelle il n’attachait même plus d’importance. Mais tout avait changé depuis Le songe, et maintenant plus rien ne comptait mis à part les fameux brouillons, seule attache qu’il aura jamais avec ce monde pendant sa longue éternité. Car il n’avait effectivement plus rien, mis à part quelques lointains amis qui trouveraient peut-être son œuvre. Ses précédents travaux ayant été « égarés » par des confrères aux opinions politiques divergentes des siennes, il n’avait plus que ceux-ci, écrits avec sa sueur et son sang.

Le jour commença à déverser sa couleur rose sombre à travers les nuages. Il n’avait plus beaucoup de temps, et se mit à écrire encore plus frénétiquement, si la chose était possible. Plus que quelques petites heures avant l’aube, heure à laquelle son destin lui avait donné rendez-vous pour basculer de l’autre côté. Il était sale et trempé de sueur, il avait de la fièvre, souffrait d’un manque de sommeil chronique depuis plusieurs jours et ne s’était jamais senti aussi faible. Non, il ne survivra pas à ce duel, d’autant plus que si la punition devait être à la hauteur de sa faute aux yeux de son adversaire, celui-ci ne le raterait pas. Il eut un rictus vaguement amusé quand il pensa sous quelle forme il allait recevoir son baiser : du feu de celui qui lui reprochait d’en avoir trop donné, justement.

Il réussit tant bien que mal à terminer son travail à l’arrachée, et, ne relisant pas la moindre ligne, rangea fiévreusement ses précieux feuillets dans le tiroir de sa commode. Tel un robot ou un mort-vivant halluciné, il se leva, pris son arme et fit mine de l’examiner, les yeux dans la vague. A la lumière de la lampe, sa tête faisait peur à voir : l’air émacié, hébété, plus pâle que jamais, avec un col mal ajusté et un pistolet de mauvaise facture en bois et acier à la main. Il nettoya celui-ci à l’aide du bâton prévu à cet effet, puis sortir de chez lui sans prendre ni la peine de la cacher, ni la peine de rajuster son habillement. Il marcha vers son destin sans se retourner, partagé entre la hâte et le dégoût de recevoir enfin le baiser promis. Bientôt il pourra enfin atteindre un monde où il serait compris, libre, entier, et où il pourra enfin faire valoir toute l’étendue de son savoir.

Enfin !

Pourquoi mourir pour une femme ?
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Psyché Morbide
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Psyché Morbide

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Humeur : Macabre.

L'éveil d'un génie incompris _
MessageSujet: Re: L'éveil d'un génie incompris   L'éveil d'un génie incompris Icon_minitimeVen 4 Sep - 10:55

Cher Evariste,

Magnifique, intriguant personnage.
Quel goût a le métal contre une tempe, et le métal dans la tête?
Quel est ce génie pressé de mourir avant l'aube?

J'ai réellement hâte de le voir à l'œuvre, et de connaître les folles sagesses germées de son esprit ; je te remercie d'être mort pour mes bras. Je te prépare naturellement une belle entrée en matière ; as-tu des envies particulières concernant le début de ton Histoire, de l'Autre Côté? Concernant même un certain déroulement des événements, ou une situation bien spécifique concernant ta renaissance, voire un scénario?

Sois le bienvenu, Evariste, de mon côté des miroirs. Puisses-tu te plaire ici, montrer toute l'étendue de ton génie, écrire la production de tes fertiles et passionnantes découvertes, qu'en ton monde ils n'ont su que mépriser. Comme tu l'as si bien dis, tu es ici, libre.

Pardonnes-moi le temps que j'ai mis à te faire réponse.
Avec toute ma tendresse,
Psychée.
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